Sabine SICAUD

Cas unique dans les annales des lettres françaises, cette jeune prodige naquit à Villeneuve-sur-Lot le 23 février 1913.

"La Solitude" est le nom donné à la villa de ses parents et dans laquelle Sabine Sicaud vécut et décéda le 12 juillet 1928. C'est dans cette demeure du sud-ouest de la France, enfouie dans une nature luxuriante, qu'elle écrivit ses poèmes qui sont le reflet d'une vie quasi cloîtrée en raison d'une maladie des os dont elle succomba en pleine adolescence.

La Solitude et son parc, qui abritaient grotte, étang, fleurs, animaux, insectes, nourrirent l’inspiration de la jeune poétesse. Cette villa est son îlot dans l’univers, comme elle le nomma dans le poème éponyme. De même que le "Voyage autour de ma chambre" de Xavier de Maistre, Sabine Sicaud fit de son environnement sa muse. La vie domestique devint un poème, le jardinier et les maîtres des lieux se changèrent en êtres lyriques.

Sa courte vie fut néanmoins honorée par de nombreux prix littéraires qui lui valurent une mention dans de nombreux journaux et revues ainsi qu'une rencontre avec la poétesse Anna de Noailles, qui devint par ailleurs sa marraine littéraire et écrivit la préface de son premier et unique recueil de poésie publié de son vivant, les "Poèmes d’enfant", comprenant notamment son premier poème, « Matin d’automne », écrit à neuf ans.

Il n’existe que deux recueils de poésie de Sabine Sicaud :
"Poèmes d’enfant" publié de son vivant en 1926,

et
"Les Poèmes de Sabine Sicaud" publié en 1958.

Durant l’été 1927, Sabine Sicaud se blessa au pied. La blessure dégénèra en ostéomyélite, sans que l’on identifia précisément le traumatisme responsable (blessure lors d’un bain dans le Lot ? ou écorchure ?). Elle refusa de quitter La Solitude pour se faire soigner à Bordeaux. La maladie gagna tout le corps. Après un an de souffrances et de fièvres, elle décéda le

Les poèmes des derniers mois sont marqués par la maladie et par la souffrance. En voici un extrait.

Ce que je veux ?

Une carafe d’eau glacée. Rien de plus.

Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée, ruisselle doucement comme d’une fontaine.

Elle est blanche, elle est bleue à force d’être fraîche.

Elle vient de la source ou d’une cruche pleine.

Elle a cet argent flou qui duvête les pêches et l’étincellement d’un cristal à facettes.

..../...

Toute l’eau des névés, des lacs, des mers nordiques ;

Toute l’eau du Rocher de Moïse, l’eau pure d’une oasis perdue au centre de l’Afrique ;

Toute l’eau qui mugit, toute l’eau qui murmure ;

Toute l’eau, toute l’eau du ciel et de la terre ;

Toute l’eau concentrée au creux glacé d’un verre.

Je ne demande rien qu’un verre d’eau glacée…

Extrait du poème "Jours de fièvre", Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)

Mai 2024