Avril 2024

Lors de ma récente petite semaine parisienne, je suis allée faire un tour au Musée d'Art Moderne de Paris pour y découvrir une exposition rétrospective de l'œuvre de Jean Hélion (1904-1987).

Peintre et intellectuel, Jean Hélion fut l'un des pionniers de l’abstraction qu’il introduisit en Amérique dans les années 1930, avant d’évoluer vers une figuration personnelle à l’aube de la deuxième guerre mondiale.

Méconnu du grand public, à tort : l'œuvre et la carrière de Jean Hélion ont considérablement marqué le monde de l'art du 20ème siècle. Il est aujourd’hui considéré comme le précurseur des figuratifs des années 1980.

Pour ma part, j'ai passé un agréable moment à admirer les quelques chefs-d’œuvre de l'artiste, rarement montrés au public. Rien de mieux que de se rendre aux musées ; on peut ainsi se faire sa propre idée des collections exposées. 

Je vous laisse découvrir ou re-découvrir quelques oeuvres de ce peintre qui fut totalement indifférent à la critique, mais qui résume à lui seul tout le 20ème siècle.

Les années 1920

De la forme à la figure 

Une certaine influence de la peinture de Soutine peut se lire dans quelques œuvres telle que l’Homme assis, peint en 1928.

Homme assis, 1928, Huile sur toile

Jean Hélion peint les objets de son quotidien, table, verre, bol, bouteilles, pain. 

Nature morte au pot, aux trois bols et à l'allumette, 1929, Huile sur toile



Les années 1930

Abstraction-Création 

Jean Hélion découvre le cubisme et le surréalisme. Il s’oriente vers la peinture abstraite dès juillet 1929. 

En 1930 l’influence de Mondrian va guider Jean Hélion vers l’abstraction constructiviste (compositions orthogonales).

En 1931, Jean Hélion rejoint le groupe Abstraction-Création, qui réunit toutes les tendances de l'art abstrait. En 1932, Arp, Herbin, Delaunay, Van Doesburg, Kupka, Gleizes, Valmier, Tutundjan rejoignent également le groupe.

"L'abstrait est l'âme du concret, comme celui-ci à son tour est le fantôme du premier. Le tableau, fenêtre ouverte par où tout se voit, l'arbre et le reste. Peindre, c'est essayer de dire tout cela avec bonheur. Donner à voir et donner à chanter."

Journal d'un peintre. Carnets, 1963-1984


Composition abstraite, 1933, Huile sur toile

Composition abstraite reflète également la rencontre de l'artiste avec Jean Arp, qui l'amène à s'inspirer des formes de la nature.

Équilibre sur fond blanc, 1933, Huile sur toile

Composition, 1935, Encre de Chine et aquarelle sur papier

Figure, 1936, Encre et aquarelle sur papier

Les "Émile, Edouard et Charles" sont des têtes réalisées à partir de formes abstraites.

Émile, 1939, Huile sur bois 

Édouard, 1939, Huile sur panneau

Nature morte au parapluie, 1939, Huile sur toile



Les années 1940

Entre réel et imaginaire

À la déclaration de la guerre, Jean Hélion s'engage dans l'armée française. En juin 1940, il est fait prisonnier en Allemagne, d'où il s'échappe en février 1942.

Installé à New York, il fait de la rue son sujet de prédilection. Face à l'incompréhension de la critique américaine comme du public, il décide, au printemps 1946, de se réinstaller en France avec Pegeen Vail, fille de Peggy Guggenheim devenue son épouse.

Homme au parapluie et femme à la fenêtre, 1944, Huile sur toile

Homme à la face rouge et Homme à la joue rouge, 1943, Huiles sur toile

Allumeur, 1944, Mine de plomb, encre et aquarelle sur papier

Portrait de Pegeen, 1945, Encre, aquarelle et gouache sur papier

Les Salueurs, 1945, Gouache sur papier

Femme accoudée, 1946, Huile sur toile

Ci-dessous, A rebours est une œuvre majeure de cette période, dont Jean Hélion dans le "Journal d’un peintre" du 5 février 1947 écrit qu’elle lui semble "le tableau les plus complet et le plus éclatant que j’ai réalisé. J’aimerais être jugé là-dessus".

À rebours, Janvier-février 1947, Huile sur toile

Jean Hélion résume son cheminement artistique en suggérant que son exploration de l'abstraction a finalement abouti à la figuration. Ce tableau agit par contrastes et oppositions: homme/femme, fermé/ouvert, intérieur/extérieur, endroit/ envers, figuratif/abstrait.

L'Énuméré des choses 21, 1949, Fusain, rehauts d'aquarelle sur papier



Les années 1950

Le parti pris des choses

Mains, 1950, Fusain sur papier

Homme couché, 1950, Fusain sur papier

Autoportrait, 1953 Fusain et huile sur toile

Dix poèmes de "La sieste blanche" de René Char sont illustrés par Jean Hélion.

Grande maroquinerie, 1951, Huile sur toile

En juxtaposant l'image d'un homme endormi sur un trottoir à celle de mannequins dans une vitrine, Jean Hélion propose, dans cette scène de rue située à New York, la rencontre entre deux mondes opposés, à la manière des surréalistes: celui du rêve, et celui du réel.

Chrysanthèmes,1951, Huile sur bois

Chrysanthème, 1951, Carton entoilé

En 1951, alors qu'il s'installe dans son atelier, rue de l'Observatoire, Jean Hélion commence une série de chrysanthèmes d'après nature. A cette époque, il réapprend une nouvelle manière de peindre et se confronte au motif de la fleur, cherchant à parvenir au style qui lui conviendra. "Je crois qu'à l'époque des chrysanthèmes, j'ai dû à nouveau envisager tous les niveaux de la peinture du plus simple au plus complexe, du plus abstrait au plus figuratif."

Les Anémones d'hier et d'aujourd'hui, 1952, Huile sur toile

L'Atelier, 1953, Huile sur toile

L'Atelier, lieu de travail, revêt une importance capitale pour Hélion, qui aime à dire que c'est "l'âme du peintre". Ici, l'artiste met littéralement son oeuvre en scène. Dans une composition très structurée, il reproduit en miniature toutes ses créations.

Intérieur au parapluie, 1955, Huile sur toile

La Citrouille et son reflet, 1958, Huile sur toile

Self ou Dans un miroir (autoportrait), 1958, Huile sur toile

 Autoportrait (planche), 1959, Acrylique sur toile


« Que vais-je peindre ? 

Tout simplement : la Vie de mon temps »

Jean Hélion


Les années 1960

Le spectacle de la rue


Les Toits, 1960, Huile sur toile

Après s'être définitivement installé dans son atelier de la rue Michelet, en 1959, Jean Hélion commence la série des "Toits". Cette série devient un sujet à part entière et symbolisent "le visage de la ville" aux yeux du peintre, qui confie : "Si je peins les toits, c'est qu'ils ressemblent à quelque chose d'abstrait qui est en moi".

Chou sous la lucarne, 1960, Acrylique sur toile 

Triptyque du Dragon, 1967

En 1967, ressentant, une fois encore, le besoin de faire le point sur son évolution et sa vie, il peint le Triptyque du Dragon, exposé dans la galerie du même nom. Dans une composition monumentale de près de dix mètres de long, il déploie les thèmes qui ont jusqu'alors façonné son œuvre, tout en leur conférant une dimension allégorique.

Triptyque du Dragon, scène de café (partie gauche du triptyque)

Jean Hélion a représenté une scène de café, "ce musée dans lequel tous les gens ordinaires sont exposés".

Triptyque du Dragon, galerie de la rue du Dragon (partie centrale du triptyque)

Dans cette partie centrale sont exposées plusieurs oeuvres de l'artiste.

Triptyque du Dragon, (partie droite du triptyque)

À droite du triptyque, dans une vitrine de boutique qui pourrait dater de l'un de ses séjours new-yorkais, la tête du marchand s'ajuste presque au mannequin tronc, tandis que se déroule une autre scène avec une jeune femme debout, tenant une baguette de pain (accessoire fétiche des natures mortes de l'artiste), converse avec un jeune homme assis sur son Vélosolex.


Années 1968-1980

Quartier libre

À partir de cette époque, un sentiment d'allégresse face au spectacle du quotidien s'empare de l'artiste. Paris est un décor de théâtre grandeur nature avec ses bouches de métro, ses pissotières, ses amoureux, ses bouquinistes des quais de Seine et ses terrasses de café.

Il écrit : 

"Je dessine avec ma connaissance, je colore avec ma passion, je compose avec le songe"

(Carnets, 1er mars 1974)


Métro, 1969, Acrylique sur toile

Suite de poissons, 1976, Encre, aquarelle, gouache et pastel sur papier coloré marouflé sur toile

Suite pour le 11 novembre,  

Panneau 1 : Monument.  Panneau 2 : Farandole, 

1976, Acrylique sur toile

Dans Suite pour le 11 novembre, Jean Hélion se réfère une fois encore à l'histoire de la peinture, en réinterprétant la Parabole des aveugles de Pieter Brueghel l'Ancien pour dénoncer les monuments aux morts de la guerre de 1914. Le caractère volontairement parodique du tableau est traduit par la stridence des couleurs.

Pantalonnade, 1978, Acrylique sur toile 

Le triptyque ci-après, qui prend la forme d'un étal de marché aux puces, réunit l'ensemble des thèmes et motifs poursuivis sa vie durant par le peintre. 

Jugement dernier des choses, 1978-1979, Acrylique sur toile

De gauche à la droite : friperie, soupière, machine à coudre, banc du jardin du Luxembourg; au centre, mannequin de vitrine; à droite, escalier, instruments de musique, le peintre portant son chevalet... Conçue comme « une immense vanité», cette toile pourrait faire figure, par son titre, d'œuvre testamentaire, mais son ironie laisse aussi entendre une leçon méditative sur l'existence.

Jugement dernier des choses, étal de marché au puce (partie gauche du triptyque)

Jugement dernier des choses, mannequin de vitrine (partie centrale du triptyque)

Jugement dernier des choses, (partie droite du triptyque)

Nature morte et comique, 1979, Acrylique sur toile

Parodie grave, 1979, Acrylique sur toile 

Festival d'automne à l'atelier, 1980, Acrylique sur toile

Ballet de chaises à Skyros, 1980, Acrylique sur toile

Une fable pour Richard Lindner, 1981, Acrylique sur toile 

Autoportrait, 1980, Fusain, pastel, encres sur papier Canson gris 


Années 1981-1983

A perte de vue

Les troubles oculaires apparus dans les années 1960 s'amplifient jusqu'à la cécité presque complète de Jean Hélion, en 1983. 

De 1981 à 1983, il n'en continue pas moins de peindre "pour voir clair", comme il le dit.

Jean Hélion recycle tous les thèmes de sa vie, se paraphrasant souvent avec humour. Dans le même temps, il produit une série d'autoportraits particulièrement émouvants, dans lesquels il confie au miroir le soin de refléter son visage à l'approche de la mort.

R... pour requiem, 1981, Acrylique sur toile 

Grand autoportrait, 1981, Huile, gouache, encre et crayon sur papier coloré 

Les dernières expositions, du vivant de Jean Hélion, ont eu lieu en 1987 à Paris, au Danemark, à Londres.

Jean Hélion s'est éteint le 27 octobre 1987 à Paris.

Merci d'avoir lu cet article. J'espère que vous avez apprécié ce partage. Je vous dis à bientôt.

Christiane Muller

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