Lors de ma récente petite semaine parisienne, je suis allée faire un tour au Musée d'Art Moderne de Paris pour y découvrir une exposition rétrospective de l'œuvre de Jean Hélion (1904-1987).
Peintre et intellectuel, Jean Hélion fut l'un des pionniers de l’abstraction qu’il introduisit en Amérique dans les années 1930, avant d’évoluer vers une figuration personnelle à l’aube de la deuxième guerre mondiale.
Méconnu du grand public, à tort : l'œuvre et la carrière de Jean Hélion ont considérablement marqué le monde de l'art du 20ème siècle. Il est aujourd’hui considéré comme le précurseur des figuratifs des années 1980.
Pour ma part, j'ai passé un agréable moment à admirer les quelques chefs-d’œuvre de l'artiste, rarement montrés au public. Rien de mieux que de se rendre aux musées ; on peut ainsi se faire sa propre idée des collections exposées.
Je vous laisse découvrir ou re-découvrir quelques oeuvres de ce peintre qui fut totalement indifférent à la critique, mais qui résume à lui seul tout le 20ème siècle.
Les années 1920
De la forme à la figure
Une certaine influence de la peinture de Soutine peut se lire dans quelques œuvres telle que l’Homme assis, peint en 1928.
Jean Hélion peint les objets de son quotidien, table, verre, bol, bouteilles, pain.
Les années 1930
Abstraction-Création
Jean Hélion découvre le cubisme et le surréalisme. Il s’oriente vers la peinture abstraite dès juillet 1929.
En 1930 l’influence de Mondrian va guider Jean Hélion vers l’abstraction constructiviste (compositions orthogonales).
En 1931, Jean Hélion rejoint le groupe Abstraction-Création, qui réunit toutes les tendances de l'art abstrait. En 1932, Arp, Herbin, Delaunay, Van Doesburg, Kupka, Gleizes, Valmier, Tutundjan rejoignent également le groupe.
"L'abstrait est l'âme du concret, comme celui-ci à son tour est le fantôme du premier. Le tableau, fenêtre ouverte par où tout se voit, l'arbre et le reste. Peindre, c'est essayer de dire tout cela avec bonheur. Donner à voir et donner à chanter."
Journal d'un peintre. Carnets, 1963-1984
Composition abstraite reflète également la rencontre de l'artiste avec Jean Arp, qui l'amène à s'inspirer des formes de la nature.
Les "Émile, Edouard et Charles" sont des têtes réalisées à partir de formes abstraites.
Les années 1940
Entre réel et imaginaire
À la déclaration de la guerre, Jean Hélion s'engage dans l'armée française. En juin 1940, il est fait prisonnier en Allemagne, d'où il s'échappe en février 1942.
Installé à New York, il fait de la rue son sujet de prédilection. Face à l'incompréhension de la critique américaine comme du public, il décide, au printemps 1946, de se réinstaller en France avec Pegeen Vail, fille de Peggy Guggenheim devenue son épouse.
Ci-dessous, A rebours est une œuvre majeure de cette période, dont Jean Hélion dans le "Journal d’un peintre" du 5 février 1947 écrit qu’elle lui semble "le tableau les plus complet et le plus éclatant que j’ai réalisé. J’aimerais être jugé là-dessus".
Jean Hélion résume son cheminement artistique en suggérant que son exploration de l'abstraction a finalement abouti à la figuration. Ce tableau agit par contrastes et oppositions: homme/femme, fermé/ouvert, intérieur/extérieur, endroit/ envers, figuratif/abstrait.
Les années 1950
Le parti pris des choses
Dix poèmes de "La sieste blanche" de René Char sont illustrés par Jean Hélion.
En juxtaposant l'image d'un homme endormi sur un trottoir à celle de mannequins dans une vitrine, Jean Hélion propose, dans cette scène de rue située à New York, la rencontre entre deux mondes opposés, à la manière des surréalistes: celui du rêve, et celui du réel.
En 1951, alors qu'il s'installe dans son atelier, rue de l'Observatoire, Jean Hélion commence une série de chrysanthèmes d'après nature. A cette époque, il réapprend une nouvelle manière de peindre et se confronte au motif de la fleur, cherchant à parvenir au style qui lui conviendra. "Je crois qu'à l'époque des chrysanthèmes, j'ai dû à nouveau envisager tous les niveaux de la peinture du plus simple au plus complexe, du plus abstrait au plus figuratif."
L'Atelier, lieu de travail, revêt une importance capitale pour Hélion, qui aime à dire que c'est "l'âme du peintre". Ici, l'artiste met littéralement son oeuvre en scène. Dans une composition très structurée, il reproduit en miniature toutes ses créations.
« Que vais-je peindre ?
Tout simplement : la Vie de mon temps »
Jean Hélion
Les années 1960
Le spectacle de la rue
Après s'être définitivement installé dans son atelier de la rue Michelet, en 1959, Jean Hélion commence la série des "Toits". Cette série devient un sujet à part entière et symbolisent "le visage de la ville" aux yeux du peintre, qui confie : "Si je peins les toits, c'est qu'ils ressemblent à quelque chose d'abstrait qui est en moi".
En 1967, ressentant, une fois encore, le besoin de faire le point sur son évolution et sa vie, il peint le Triptyque du Dragon, exposé dans la galerie du même nom. Dans une composition monumentale de près de dix mètres de long, il déploie les thèmes qui ont jusqu'alors façonné son œuvre, tout en leur conférant une dimension allégorique.
Jean Hélion a représenté une scène de café, "ce musée dans lequel tous les gens ordinaires sont exposés".
Dans cette partie centrale sont exposées plusieurs oeuvres de l'artiste.
À droite du triptyque, dans une vitrine de boutique qui pourrait dater de l'un de ses séjours new-yorkais, la tête du marchand s'ajuste presque au mannequin tronc, tandis que se déroule une autre scène avec une jeune femme debout, tenant une baguette de pain (accessoire fétiche des natures mortes de l'artiste), converse avec un jeune homme assis sur son Vélosolex.
Années 1968-1980
Quartier libre
À partir de cette époque, un sentiment d'allégresse face au spectacle du quotidien s'empare de l'artiste. Paris est un décor de théâtre grandeur nature avec ses bouches de métro, ses pissotières, ses amoureux, ses bouquinistes des quais de Seine et ses terrasses de café.
Il écrit :
Dans Suite pour le 11 novembre, Jean Hélion se réfère une fois encore à l'histoire de la peinture, en réinterprétant la Parabole des aveugles de Pieter Brueghel l'Ancien pour dénoncer les monuments aux morts de la guerre de 1914. Le caractère volontairement parodique du tableau est traduit par la stridence des couleurs.
Le triptyque ci-après, qui prend la forme d'un étal de marché aux puces, réunit l'ensemble des thèmes et motifs poursuivis sa vie durant par le peintre.
De gauche à la droite : friperie, soupière, machine à coudre, banc du jardin du Luxembourg; au centre, mannequin de vitrine; à droite, escalier, instruments de musique, le peintre portant son chevalet... Conçue comme « une immense vanité», cette toile pourrait faire figure, par son titre, d'œuvre testamentaire, mais son ironie laisse aussi entendre une leçon méditative sur l'existence.
Années 1981-1983
A perte de vue
Les troubles oculaires apparus dans les années 1960 s'amplifient jusqu'à la cécité presque complète de Jean Hélion, en 1983.
De 1981 à 1983, il n'en continue pas moins de peindre "pour voir clair", comme il le dit.
Jean Hélion recycle tous les thèmes de sa vie, se paraphrasant souvent avec humour. Dans le même temps, il produit une série d'autoportraits particulièrement émouvants, dans lesquels il confie au miroir le soin de refléter son visage à l'approche de la mort.
Les dernières expositions, du vivant de Jean Hélion, ont eu lieu en 1987 à Paris, au Danemark, à Londres.
Jean Hélion s'est éteint le 27 octobre 1987 à Paris.
Merci d'avoir lu cet article. J'espère que vous avez apprécié ce partage. Je vous dis à bientôt.
Christiane Muller
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